Le pire client de ma carrière d’escort-girl !

Je casse l’ambiance de la Saint-Valentin et te raconte le pire client d’escorting que j’ai jamais rencontré.
Essaie de ne pas pleurer (de rire)…

Introduction

Je sors de trois jours de Saint-Valentin absolument magnifiques. Après ces rencontres pépites, il m’est très compliqué de revenir au monde réel. J’ai donc eu la merveilleuse idée de te conter ma rencontre avec Scott. Peut-être as-tu déjà entendu parler de lui ? Scott est le pire client que je n’ai jamais eu de toute ma carrière d’escort-girl !

Avertissement

Ce billet de blog parle de mort, de maladie, de deuil et de sujets durs et tristes. Et si je me permets aujourd’hui de parler de cette rencontre et de ce client avec tant de détails (bien que je ne te dirai pas tout), c’est parce que Scott ne parle pas français et qu’il vit à l’étranger. En tout cas j’espère sincèrement que c’est le cas, car il y a une probabilité non négligeable qu’il soit décédé.

Cette histoire est totalement vraie, et bien qu’elle se soit déroulée il y a plusieurs années, je vais essayer de la retranscrire le plus fidèlement possible. Toute ressemblance avec des personnes réelles est purement volontaire.

Ma pire soirée au restaurant !

Nous sommes en 2011 à Glasgow, à la fin du mois de septembre. J’ai rendez-vous avec un monsieur au Radisson Blu, pour dîner puis passer la nuit ensemble. Je le vois pour la toute première fois au moment où nous nous retrouvons face à face. En effet, à l’époque déjà, je ne demande jamais de photos pour une rencontre d’escorting.

Il est grand, une bonne soixantaine, a un regard très doux et est vraiment très chic avec sa lavallière. On peut dire qu’au premier regard, il me plaît. C’est le moment de faire les présentations : nous l’appellerons ici Scott. En me prenant la main, il me dit donc « Hi, are you Cameron? I’m Scott », avec un accent écossais à couper le souffle. Mais c’est surtout sa voix qui est très particulière. Scott a en effet un cancer du larynx, et suite à l’ablation de celui-ci, sa voix est très rauque et faible. Autant dire que je ne comprenais pas un mot de ce qu’il disait !

Nous voilà donc attablés, Scott est très joyeux d’être là… Il me raconte sa vie, passionnante j’en suis certaine, si seulement je comprenais le quart de ce qu’il exprime ! Il a beaucoup de patience, et toutes les trois ou quatre phrases, il s’arrête avec des yeux rieurs et me demande « tu n’as pas compris n’est-ce pas ? ». Et il a raison ! Je ne comprends absolument rien ! Je souris poliment et le monologue reprend…

L’épisode de la photo

Je fais un petit aparté pour conter l’épisode du pire portrait qu’on ne m’ait jamais tiré… Scott a l’air ravi de ma présence en sa compagnie dans ce restaurant. Il faut dire que je suis absolument charmante. Certes je n’assimile qu’un mot sur cinq, mais j’essaie de toutes mes forces de ne pas lâcher le fil de la discussion. Je tente d’en apprécier le ton, de répondre à propos, de rebondir et de rire aux moments opportuns… Bref, d’être de bonne compagnie. Car malgré l’incompréhension générale, Scott est sympathique, et j’ai envie qu’il passe une belle soirée.

Peut-être suis-je un peu trop convaincante ? Toujours est-il qu’il me demande « Ça ne te dérange pas de… », et je ne comprends pas la question ! Voulant lui faire plaisir, je lui réponds que non, ça ne me dérange absolument pas. En plein restaurant, ça ne peut rien être de très grave, n’est-ce pas ?

Et bien, détrompe-toi cher lecteur ! Scott arrête le premier serveur qui passe à côté de notre table, sort un antique appareil photo numérique de sa poche et demande au jeune homme de nous prendre en photo. Pas besoin de comprendre ses mots pour appréhender son souhait. J’espère ne pas avoir besoin de t’expliquer que prendre en photo une escort est totalement tabou… Surtout lors d’une première rencontre ! Je souris, je dis « cheers » et notre portrait est pris pour son plus grand plaisir. J’aimerais tellement avoir cette photo en ma possession aujourd’hui.

Dans sa chambre

Nous avons mangé au restaurant de l’hôtel et n’avons donc pas très loin à aller pour rejoindre sa chambre. Une grande pièce, élégante, bien éclairée, avec une salle de bain immense et une baignoire. Bref, de quoi passer une douce soirée et une nuit très chaude, n’est-ce pas ? Mais tu as lu le titre, tu as lu l’avertissement… Tu sais déjà que ça ne sera pas le cas !

Dans l’intimité, les langues se délient toujours. Et Scott continue à me confier son vécu. Sans le brouhaha du restaurant, j’entends bien mieux ce qu’il me dit. Pour le pire, car j’aurais préféré continuer à ne rien comprendre ! Ces dernières années ont été difficiles pour lui. Il a perdu son frère dans un accident, puis peu de temps après, sa soeur de maladie. Ses deuils ont été longs et douloureux. Alors qu’il commençait à remonter la pente, sa femme est décédée à son tour, faisant de lui un jeune veuf. Et comme si ça n’était pas suffisant, quelques mois plus tard, on lui a diagnostiqué un cancer du larynx. Il s’est retrouvé seul et avait besoin de soins invasifs, longs, douloureux et terrifiants.

L’épisode de la pierre tombale

La mort de sa femme est d’ailleurs la raison pour laquelle il a voyagé depuis le nord de l’Écosse, jusqu’à Glasgow. Elle désirait être inhumée dans cette ville avec le reste de sa famille. Il est donc venu faire poser une pierre tombale commandée à un artiste plusieurs mois auparavant.

À ma grande surprise, je le vois se lever, se diriger vers son grand sac de voyage et sortir la pierre tombale en question ! Un gros caillou d’environ 50×40 cm, très lourd, avec dessus le nom de la défunte, et tout un tas d’informations que je suis trop choquée pour lire. Il la pose sur mes genoux et me demande comment je la trouve. Dieu merci, j’ai su garder, pour une fois dans ma vie, la bouche fermée. Les seuls mots qui me sont venus à l’esprit ? « Lourde et froide »… mais je n’ai tout simplement rien répondu.

Tu penses qu’on a touché le fond, et que vraiment il mérite sa place de pire client ? Je suis bien d’accord… Mais ça n’est pas encore terminé !

La pire nuit de ma vie

Je préviens systématiquement chaque personne qui souhaite passer une nuit avec moi : j’ai besoin de dormir ! Sans mes sept heures de sommeil consécutives, je suis malade comme un chien le lendemain matin. Scott a donc un cancer, et prend énormément de médicaments. Il subit tout un tas d’effets secondaires douloureux et passe la nuit à faire des allers-retours entre les toilettes et le lit, pris de diarrhées explosives. Il n’y est pour rien évidemment, mais c’est le plus intense tue l’amour que je n’ai jamais vécu.

Toutes ces allées et venues et les bruits qui vont avec m’empêchent de dormir toute la nuit. À un moment, je me lève pour aller uriner, et à mon retour je sais qu’il attend de moi un rapport sexuel. Mon envie de sexe est en dessous du zéro absolu. Et après avoir entendu l’histoire de sa vie, et touché la pierre tombale de sa femme, je ne veux jamais (JAMAIS) faire de sexe avec LUI ! J’esquive la question en disant que je suis fatiguée, et me couche à nouveau en redoutant le lendemain matin…

Sauvée par l’alarme !

Pire réveil ! Au matin, vers 7h30, il fait encore nuit dehors lorsque l’alarme incendie retentit. Promis, ça n’est pas moi qui l’ai déclenchée ! Ni une, ni deux, je rassemble mes affaires, et je m’habille, prête à partir. Je vois que Scott a du mal à réagir, alors je l’aide à se préparer. Nous attrapons en quelques secondes ses objets de valeur, et je dois lui ordonner de ne pas prendre la pierre tombale de trois tonnes ! Je ne vais pas risquer de mourir dans un incendie pour le caillou le plus traumatisant de ma vie !

Nous sortons, et attendons une bonne demi-heure dans le froid. Tout le monde ou presque est en pyjama… Sauf moi, dans ma robe de soirée, ma capeline en fourrure et mes talons beaucoup trop hauts. C’est écrit sur toute ma personne que je suis la pute de Scott ! Au moins, lui n’a pas l’air embarrassé le moins du monde.

Vers 8h, après que toutes les vérifications sont faites, on nous annonce qu’il s’agissait d’une fausse alerte. Nous pouvons alors rentrer sans risque dans nos chambres. Scott me propose d’y remonter pour se réchauffer l’un l’autre. J’esquive le tir en disant que je meurs de faim et lui propose d’aller prendre le petit-déjeuner au restaurant. À mon grand soulagement, il accepte. Le petit déjeuner est délicieux et annonce enfin ma libération de ce rendez-vous chaotique au possible. Le temps du rendez-vous est écoulé, je peux enfin le quitter après lui avoir serré la main.

Conclusion de ma pire rencontre

J’ai très souvent repensé à ce rendez-vous. Je l’ai raconté entièrement à quelques personnes de confiance. J’en ai parlé très vaguement sur les réseaux sociaux. Une journaliste a même essayé d’en acheter le récit pour le publier elle-même il y a quelques années. Mais jamais je n’aurais pu faire ça à Scott. Cette histoire, c’est la nôtre : la sienne et la mienne. Et si je te la confie aujourd’hui, c’est parce que aussi horrible soit-elle, j’en garde un souvenir étrangement tendre.

Scott n’aurait jamais dû me choisir pour être sa compagne d’une nuit. J’étais trop jeune et trop inexpérimentée pour accueillir un tel témoignage de vie. À l’époque j’étais forte et intrépide. Si quelqu’un m’avait mise en garde, j’aurais répondu, très sûre de moi, que je pouvais le rencontrer et prendre soin de lui. Comme tous les jeunes gens, je n’imaginais pas un instant que ça pouvait être trop pour moi.

J’espère que Scott va bien, même si j’ignore s’il est encore en vie. Je n’ai plus jamais eu de nouvelles. Il a sans doute compris que cette soirée a été un pur fiasco. Si j’en garde un souvenir mi-horrifié mi-attendri, j’espère au moins qu’il a pu soulager un peu de son malheur en ma compagnie.

Cher Scott, si jamais tu passes sur mon blog, et que tu comprends mes mots :
s’il te plaît, donne-moi quelques nouvelles et envoie-moi notre photo prise au restaurant !
Je ne la publierai pas, c’est juste pour mon souvenir personnel. Et sache que pour toujours tu es dans mon coeur.